Lettre à Fillon

Publié le 22 Juillet 2011

Lettre à Fillon

Vous êtes le Premier Ministre de la France. Certes je combats votre politique, celle de votre Président, celle de votre parti. Mais je n’ai jamais senti le besoin de m’adresser particulièrement à vous.Vous êtes à mes yeux un des « fondés de pouvoir » du grand capital que vous servez avec zèle. Comme vos amis politiques de l’UMP. Mais si j’éprouve le besoin de m’adresser à vous, c’est que vos récentes déclarations sur Madame Eva Joly m’y contraignent.

Que le Premier Ministre ose faire des déclarations ouvertement racistes et anti républicaines ne peut, en effet, laisser indifférent.

Je précise que cette adresse ne vise pas à exprimer une solidarité politique avec Madame Joly. Je la combats comme je vous combats car elle et vous servez les mêmes maîtres. Elle et vous êtes pour la liquidation de notre patrie, de notre démocratie et de notre république, puisque vous êtes tous deux pour l’Union Européenne. Je précise encore que je désapprouve sa proposition à propos du 14 juillet.

Ceci dit votre faute politique est  qualitativement plus grave que celle de Madame Joly.

Puisque vous attaquer cette femme politique en faisant allusion à son origine étrangère : « Je suis en colère quand j’entends comparer le défilé des forces françaises le 14 juillet à ce qui se passe en Corée du Nord. Cela témoigne pour le moins d’une grande mauvaise foi ou alors d’une profonde méconnaissance des traditions et de l’histoire de notre pays ».

Je laisse de côté l’allusion à la Corée du Nord qui prouve de votre part une méconnaissance abyssale de l’histoire de ce pays, ce qui est grave pour un Premier Ministre.

Je laisse de côté l’allusion à la mauvaise foi qui, comme chacun le sait, est totalement étrangère à vos propres propos….

En revanche je ne peux pas laisser passer vos propos racistes et anti républicains sur la méconnaissance des traditions et de l’histoire de notre pays.

Et cela pour plusieurs raisons.

A quelles traditions et quelle histoire faites-vous allusion ?

A ma connaissance c’est en 1880 que la IIIe République instaure la fête nationale et le défilé militaire. Défilé où, sans doute, les bouchers galonnés de la Commune de Paris durent participer. Où l’idée d’une « revanche » après la défaite de 1870 n’était pas absente. Donc la préparation psychologique à la boucherie impérialiste de 14-18.

Que vous fassiez allusion à ces traditions est normale puisque vous êtes l’héritier des » Versaillais » et le serviteur de l’impérialisme français. Mais sachez qu’il y a d’autres traditions et une autre histoire française : justement celle de la Commune, patriote et sociale, celle du refus de la première guerre mondiale impérialiste, dont Jaurès fut le premier martyr et les « mutins »de 17 les suivants. C’est d’ailleurs du refus de cette horreur impérialiste qu’est née en 1920 le Parti Communiste à Tours.

Je pourrai, Monsieur Fillon, multiplier les exemples pour vous rappeler que vos traditions et votre histoire ne sont pas mes traditions et mon histoire, qu’elles sont même antagoniques : le patron français qui en 1936 « préfère Hitler au Front Populaire » n’a pas les mêmes traditions que l’ouvrier français en grève et occupant son usine. Que les pétainistes et autres Kollabos n’ont pas les mêmes traditions et la même histoire que les Résistants et maquisards. Que mon camarade Henri Alleg torturé par les paras de l’Algérie française n’a pas les mêmes traditions et la même histoire que ses bourreaux. Que l’étudiant communiste que j’étais en Mai 68 n’a pas les mêmes traditions et la même histoire que le jeune de droite qui manifestait le 30 juin 68.

Ma France n’est pas la vôtre Monsieur Fillon.

Mais il y a plus grave. C’est l’allusion grossière et obscène à l’origine étrangère de votre cible. Cela est d’autant plus abject à mes yeux que probablement vous avez utilisé cet argument pour des raisons électoralistes.

Mais laissez-moi vous raconter une histoire. Celle d’un immigré grec, Antoine Milarakis, arrivé en France, avec sa femme, dans les années 20, chassé de Grèce par la misère. Il devint ouvrier dans des papeteries du côté de Grenoble. Il acquit une conscience de classe. En même temps il avait une reconnaissance immense pour la France à laquelle il écrivait des poèmes naïfs rendant hommage à la France de Victor Hugo qu’il lisait et relisait avec voracité.

Pendant l’occupation nazie cet ouvrier grec, peu au fait des traditions auxquelles vous faites référence sans doute, choisit d’entrer dans la Résistance (le groupe franc Paul Vallier). Il fit entrer aussi sa fille, âgée de 17 ans, dans la Résistance. Il parlait alors un français approximatif (il fit des progrès par la suite), connaissait mal les traditions et l’histoire de la France, mais suffisamment pour savoir que la lutte pour la liberté de sa patrie d’accueil et de sa classe était « un impératif qui ne se discute pas » (l’expression est de lui.). Cet homme était mon grand-père et sa fille, ma mère.

Je ne sais pas, Monsieur Fillon, ce que fit votre grand-père maternel ou votre mère. Je vous ai raconté ce que firent les miens simplement pour faire comprendre aux hommes de bonne volonté à quelle bassesse mène le mépris de l’homme, le racisme et le cynisme.

Il y a des arguments qui salissent non celui à qui on les adresse mais celui qui les utilise.
Antoine Manessis. (Militant du PRCF).

Rédigé par PRCF 38

Publié dans #Infos Locales

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