Colombie
Publié le 31 Mai 2006
Colombie 2006 : Stop Uribe ! Stop les Etats-Unis!
Nous avons eu l'occasion d'assister récemment à un entretien avec un membre
de la Commission internationale des FARC (Forces armées révolutionnaires de
Colombie).
Nous en avons profité pour lui poser des questions sur la Colombie, pays
d'Amérique latine, dans lequel le premier tour des élections présidentielles
se déroulent le 28 mai.
Jean Pestieau
www.ptb.be
25 mai 2006
INTRODUCTION
Trois candidats principaux s'affrontent le 28 mai :
- le président actuel Álvaro Uribe Vélez, fasciste, pro-US et
pro-paramilitaire, qui est crédité de plus de 50% des intentions de vote
- Horacio Serpa (Parti libéral) qui est un représentant de la
bourgeoisie classique colombienne
- Carlos Gavira (Pôle Démocratique Alternatif) qui veut une
Colombie indépendante des Etats-Unis et qui représente l'espoir d'un
changement en faveur du peuple.
En Colombie règne la terreur contre les défenseurs de la souveraineté
nationale, de la démocratie et du progrès social. Le déroulement des
élections est en général entaché de sérieuses fraudes, meurtres, fraude,
répression.
Voici le type de menaces de mort que diffusent des partisans d'Uribe en
cette fin de mai (avec liste des cibles à abattre):
"Nous resterons aux côtés du Président Uribe aussi longtemps qu'il le jugera
nécessaire et affirmons clairement que notre démobilisation réelle ne se
fera que lorsque nous aurons exterminé jusqu'au dernier fils de pute
révolutionnaire des FARC et de l'ELN ainsi que tous leurs serviteurs
camouflés de la vie civile, un par un. Tous ceux qui toute la vie ont menti
à ce pays avec le plan de faire de cette belle patrie un autre Cuba
rétrograde. Nous nous déclarons en guerre ouverte, totale et frontale contre
toute cette bande de rebelles, contre tous ceux qui n'acceptent pas la
légitimité du Président Alvaro Uribe Veléz.Vous êtes notre prochain objectif
militaire".
La Colombie compte plus de 40 millions d'habitants. Un pays plus de deux
fois plus grands que la France, avec de grandes richesses naturelles . Les
classes au pouvoir exercent une violence inouïe sur la population (record
mondial d'assassinats de syndicalistes, de défenseurs des droits de l'homme,
de politiciens au service du peuple, etc.). Elles ne trouvent certainement
pas un appui fiable parmi les travailleurs et les paysans mais bien auprès
des Etats-Unis et des multinationales qu'elles servent très bien.
C'est dans ce contexte que voici plus de 40 ans les FARC ont vu le jour.
Elles se sont fixées pour but de protéger le peuple de la violence de l'Etat
existant et de libérer la Colombie des Etats-Unis et du joug des
réactionnaires.
INTERVIEW
Les élections présidentielles approchent en Colombie, pensez-vous que Álvaro
Uribe sera réélu ?
Nous espérons, pour le bien de la Colombie et de l'Amérique latine, qu'il
n'en sera pas ainsi et nous ouvrons en ce sens. Álvaro Uribe fait de la
guerre contre la population colombienne l'axe central de sa politique de
gouvernement. Uribe incarne un projet fasciste, qui ne profite qu'aux
secteurs qu'il représente au sein de la Colombie, mais aussi en tant que
représentant principal des intérêts des États-Unis dans la région. Cela est
démontré d'une part par les bénéfices exorbitants du secteur bancaire et
spéculatif, en comparaison de l'augmentation de la pauvreté, données qui ont
été communiquées dans le dernier rapport présenté par la Banque Mondiale,
dans lequel la Colombie apparaît comme un des pays les moins équitables du
continent. À la fin des années 1990, 40% de la population vivait en dessous
du seuil de pauvreté ; aujourd'hui, quelques années plus tard, 65% des
Colombiens connaissent ce drame. Par opposition à cette situation, les
dépenses militaires ont augmenté de manière exponentielle au détriment des
investissements sociaux, ce qui, assurément, nous éloigne de plus en plus de
la Paix.
Et quels sont les secteurs que Álvaro Uribe représente en Colombie ?
Les plus réactionnaires, l'extrême droite, la mafia, et évidemment les
intérêts des États-Unis. Bien qu'il appartienne socialement aux secteurs
liés aux grands propriétaires terriens et aux grands éleveurs, Álvaro Uribe
représente également les intérêts du capital transnational et financier,
comme l'a démontré la cession au capital privé international des entreprises
les plus rentables du pays. Il est évident que le processus de privatisation
en Colombie avait commencé avant, comme dans toute l'Amérique latine, mais
la résistance qu'il avait rencontrée auprès des travailleurs l'avait rendu
difficile. Uribe Vélez a été porté à la présidence avec, entre autres, pour
mission de poursuivre ce processus de néolibéralisation de l'économie par la
violence, et c'est ce qu'il a fait. Mais surtout, en Colombie, Uribe Vélez
représente le capital mafieux des grands narcotrafiquants et des
paramilitaires.
La Mafia ?
Oui, depuis le milieu des années 1980, Uribe Vélez a été dénoncé comme ayant
des liens avec le trafic de la drogue. Lorsqu'il dirigeait l'entité chargée
du contrôle du trafic aérien en Colombie (l'aviation civile), il a profité
de ce poste pour favoriser les activités illicites des narcotrafiquants en
délivrant des licences de vol à tous leurs transporteurs aériens; ensuite,
en sa qualité de Maire de Medellín, il a dirigé un programme de logements
financé par le narcotrafiquant bien connu Pablo Escobar, intitulé "Medellín
sans taudis" ; plus tard, en tant que Gouverneur, il a créé les Coopératives
Convivir, qui ont été la première tentative d'institutionnaliser les bandes
paramilitaires. Récemment, la DEA (Drug Enforcement Administration - Agence
US de répression de la drogue) a déclassifié (rendu public) un document
dans lequel Uribe est catalogué comme l'un des 100 narcotrafiquants les plus
importants de la planète. Sous l'actuel gouvernement, il a entrepris de
légaliser les capitaux des plus grands narcotrafiquants, grâce à
l'institutionnalisation des groupes paramilitaires ou escadrons de la mort,
en leur garantissant, au passage, l'impunité absolue pour tous leurs crimes.
Vous avez dit précédemment que Uribe représente les intérêts des États-Unis
dans la région ?
Oui. Uribe, le gouvernement qu'il dirige et l'appareil de l'État qu'il
représente sont le fer de lance des États-Unis contre les processus de
démocratisation, d'indépendance et de développement que connaît l'Amérique
latine, en particulier contre la révolution bolivarienne du Venezuela. La
preuve en est dans les incidents répétés entre la Colombie et le Venezuela.
À la fin de 2004, plusieurs paramilitaires colombiens, parmi lesquels se
trouvaient des militaires d'active, ont été capturés au Venezuela, alors
qu'ils préparaient l'assassinat de Chávez et d'autres dirigeants de la
révolution vénézuélienne.
Uribe a pour mission d'empêcher le développement des processus de
démocratisation en Amérique latine et surtout le développement de son unité.
Récemment, en signant un traité de libre échange avec les États-Unis, il a
brisé la Communauté andine des Nations, processus engagé depuis 1969. Uribe
agit dans les intérêts des États-Unis et est un véritable instrument de
conspiration contre l'unité des processus démocratiques et de transformation
en Amérique latine.
Que proposent les FARC à la Colombie ?
Dans l'immédiat, une solution politique - par le dialogue - au conflit armé
qui dure depuis plus de 50 ans déjà et qui met aux prises le peuple et le
pouvoir. La mise en place, grâce à un accord national avec tous les secteurs
politiques et sociaux, d'un gouvernement pluraliste dans lequel soient
représentés les différents courants de la pensée politique nationale et qui
se donnent comme mission, la réconciliation et la reconstruction du pays. Il
faut mener à bien une réforme politique qui rétablisse des espaces de
participation démocratique, il faut démanteler l'appareil répressif et
criminel de l'État, il est nécessaire de réaliser, avec la plus grande
participation possible, des réformes de type social et économique qui enlève
toute raison d'être au soulèvement armé.
Revenons aux élections. Les FARC s'opposent-elles à la réélection de Uribe ?
Bien sûr, parce que Uribe représente la guerre, le fascisme, la corruption,
l'abandon de la souveraineté nationale, le sabotage des processus
d'intégration de l'Amérique latine. Les FARC veulent la paix, la démocratie,
l'indépendance, l'unité des peuples latino-américains. Nous sommes contre la
réélection de Uribe.
Soutiennent-elles un candidat aux prochaines élections ?
Tous les candidats à l'exception de Uribe Vélez se sont déclarés en faveur
de la paix, pour une solution négociée au conflit armé et en faveur d'un
échange de prisonniers entre les parties en guerre. Le secrétariat des FARC
a appelé les Colombiens à voter en conscience pour celui qu'ils croient
capable de répondre au mieux à ces attentes. Par principe, au sein des FARC,
nous ne sommes pas opposés à la lutte électorale, nous analysons quand elle
est possible et quand elle ne l'est pas, ce qui est différent. La politique
des FARC, c'est la combinaison de toutes
les formes de lutte.
(L'interview complète de 3.800 mots, en espagnol, peut être consultée sur
www.wpb.be)